31 Juillet 2019
Les écrivains de la presqu'ile... Balzac, Flaubert, Zola
Honoré de Balzac, (1799 - 1850) écrit le roman Béatrix en 1839 après un séjour à Guérande, et dont une partie de l'action s'y déroule.
"...Une des villes où se retrouve le plus correctement la physionomie des siècles féodaux est Guérande. Ce nom seul réveillera mille souvenirs dans la mémoire des peintres, des artistes, des penseurs qui peuvent être allés jusqu'à la côte où gît ce magnifique joyau de féodalité, si fièrement posé pour commander les relais de la mer et les dunes, et qui est comme le sommet d'un triangle aux coins duquel se trouvent deux autres bijoux non moins curieux, le Croisic et le bourg de Batz. Après Guérande, il n'est plus que Vitré situé au centre de la Bretagne, Avignon dans le midi qui conservent au milieu de notre époque leur intacte configuration du moyen âge. Encore aujourd'hui, Guérande est enceinte de ses puissantes murailles : ses larges douves sont pleines d'eau, ses créneaux sont entiers, ses meurtrières ne sont pas encombrées d'arbustes, le lierre n'a pas jeté de manteau sur ses tours carrées ou rondes. Elle a trois portes où se voient les anneaux des herses, vous n'y entrez qu'en passant sur un pont−levis de bois ferré qui ne se relève plus, mais qui pourrait encore se lever..."
Extrait de l'article Guérande, dans les pas de Balzac, paru dans Les Echos, le 11 février 2005
"Guérande est encore une ville à part, essentiellement bretonne, catholique fervente, silencieuse, où les idées nouvelles ont peu d'accès... Jetée au bout du continent, Guérande ne mène à rien, et personne ne va à elle. Heureuse d'être ignorée, elle ne se soucie que d'elle-même. » Ainsi lui apparaît-elle. « Magnifique joyau de la féodalité, fièrement posé pour commander les relais de la mer et les dunes (...), Guérande est enceinte de ses puissantes murailles : ses larges douves sont pleines d'eau, ses créneaux sont entiers, ses meurtrières ne sont pas encombrées d'arbustes, le lierre n'a pas jeté son manteau sur ses tours carrées ou rondes (...), ses fortifications semblent achevées d'hier. "
Gustave Flaubert (1821 – 1880) - "Par les champs et par les grèves (voyage en Bretagne)" est un récit de voyage écrit par Gustave Flaubert et Maxime du Camp, rédigé en 1847 et publié séparément entre 1852 et 1881
Extraits de Par les champs et par les grèves
De Nantes À Saint-Nazaire. - La Loire, large et plate
... " De Saint-Nazajre à Pornichet, aubépines,ajoncs. - Chemins à travers les haies de Pornichet au Pouliguen. - La baie déserte; au bord des flots, sur le sable dur, des coquilles roses et blanches; dunes couvertes de joncs. - Le bac. - Le Pouliguen. - Jusqu’au Bourg-de-Batz, marais salins, pas un arbre ; paludiers. - Cabaret de Baz, barriques, deux lits hauts; sur la cheminée une Vierge en costume ; à une fenêtre le mari, la mariée, trogne rouge d’un homme. -Vieille abbaye d’un bon gothique, toute découverte. - Surprise et curiosité des enfants à nos aspects. - Femme qui met sur les murs de la bouse de vache, ça remet les pierres et sert de mortier. - Jusqu’au Croisic plus rien que des plaines de sable recouvertes d’une herbe maigre ; le ciel bleu pâle à grandes lignes blanches ; les vaches sont petites, les moutons noirs.
Le Croisic.- Le beau temps. - Dune; varech sous l’eau en allant au bout de la jetée. - Charlotte, bonnet égyptien."
" Du Croisic à Guérande. - Au bord de la mer et à travers les marais. - Guérande sur une hauteur qui domine le pays; les fortifications entourées d’arbres, petits peupliers; à gauche de l’entrée Nord l’eau baigne le pied des tours; nous retrouvons ce que nous avons vu à Clisson.- Caractère doux de ces ruines; ces fortifications me font penser à Avignon. - Moucharabieh éventré, lierres; mais la beauté naturelle est au pied, dans l’eau sur laquelle les petites plantes vertes ont fait comme une grande couche de peinture. Église anglaise de caractère ; portail haut, d’une ogive assez pure et pas trop ornementée pour son époque. A la place de la rosace on a accolé l’orgue. Sur un cartouche, il y a, presque illisible, «le peuple français reconnaît un Dieu suprême et l’immortalité de l’âme». Les deux entrées latérales ont un portique couvert comme l’église de Louviers, à laquelle du reste celle-ci ressemble.... "
"Nous partons le jeudi 20 à 6 h du matin, avec un verre de madère et une croûte dans le ventre et nous filons lestement sur Piriac. La campagne est nue, le chemin monte et descend; à gauche, une grande vue de mer; au fond, et jusqu’à la mer, une plaine immense tachée çà et là de flaques d’un brun acier. Ce sont les marais salins. Piriac. - Désert; bon air de la mer; les rues pleines de sable; pas même de filets aux portes; jolie baie avec du sable; deux ou trois barques sans mâture ni voiles, échouées sur le rivage"...
Itinéraire du voyage en Bretagne de Gustave Flaubert
Émile Zola (1840 - 1902), lors d'un séjour à Batz en 1876 écrit une nouvelle "Les coquillages de M. Chabre" ayant pour cadre Guérande et les Marais Salants.
Extraits des Coquillages de M. Chabre
" …La vue de Guérande, de ce bijou féodal si bien conservé, avec son enceinte fortifiée et ses portes profondes, surmontées de mâchicoulis, l’étonna. Estelle regardait la ville silencieuse, entourée des grands arbres de ses promenades ; et, dans l’eau dormante de ses yeux, une rêverie souriait. Mais la voiture roulait toujours, le cheval passa au trot sous une porte, et les roues dansèrent sur le pavé pointu des rues étroites. Les Chabre n’avaient pas échangé une parole… "...
..."Il y avait là, en blouse blanche et en culotte bouffante, des paludiers qui vivent dans les marais salants, dont le vaste désert s’étale entre Guérande et Le Croisic. Il y avait aussi des métayers, race complètement distincte, qui portaient la courte veste de drap et le large chapeau rond. Mais Estelle fut surtout ravie par le costume riche d’une jeune fille. La coiffe la serrait aux tempes et se terminait en pointe. Sur son corset rouge, garni de larges manches à revers, s’appliquait un plastron de soie broché de fleurs voyantes. Et une ceinture, aux broderies d’or et d’argent, serrait ses trois jupes de drap bleu superposées, plissées à plis serrés ; tandis qu’un long tablier de soie orange descendait, en laissant à découvert ses bas de laine rouge et ses pieds chaussés de petites mules jaunes.
- S’il est permis ! dit M. Chabre, qui venait de se planter derrière sa femme. Il faut être en Bretagne pour voir un pareil carnaval."...
..."Pour occuper l’après-midi, le ménage visita Guérande. Dans l’église Saint-Aubin, il faisait une fraîcheur délicieuse. Ils s’y promenèrent doucement, levant les yeux vers les hautes voûtes, sous lesquelles des faisceaux de colonnettes montent comme des fusées de pierre. Ils s’arrêtèrent devant les sculptures étranges des chapiteaux, où l’on voit des bourreaux scier des patients en deux, et les faire cuire sur des grils, tandis qu’ils alimentent le feu avec de gros soufflets. Puis, ils parcoururent les cinq ou six rues de la ville, et M. Chabre garda son opinion : décidément, c’était un trou, sans le moindre commerce, une de ces vieilleries du moyen âge, comme on en avait tant démoli déjà. Les rues étaient désertes, bordées de maisons à pignon, qui se tassaient les unes contre les autres, pareilles à de vieilles femmes lasses. Des toits pointus, des poivrières couvertes d’ardoises clouées, des tourelles d’angle, des restes de sculptures usés par le temps, faisaient de certains coins silencieux comme des musées dormant au soleil Estelle, qui lisait des romans depuis qu’elle était mariée, avait des regards langoureux, en examinant les fenêtres à petites vitres garnies de plomb."...