Kerhinet - C’est un village qui aurait dû disparaître, grignoté par la tourbe environnante. Niché au cœur du Parc naturel régional de Brière, Kerhinet en est aujourd’hui l'emblème - Un village visité par 200 000 visiteurs / an
Il faut se replonger dans La Brière des années soixante et soixante-dix pour comprendre comment un village peut ressusciter. Un peu oubliés dans leur coin de nature, Briérons et Briéronnes voient ce qu’il faut bien appeler le progrès passer à portée de main, et pourtant hors d’atteinte. C’est l’heure des choix difficiles : rester dans le marais et perpétuer un certain art de vivre, rude et chiche, ou céder aux sirènes de la ville voisine et à son confort moderne.
Pour beaucoup, l’appel de la Simca 1000 (automobile), des réfrigérateurs et des tables en formica sera le plus fort. Lassés des chaumières au sol de terre battue, des toitures de chaume à renouveler régulièrement, éreintés par les travaux des champs, les crues, le rythme nonchalant des chalands et le temps qui passe ici plus lentement encore, les habitants de la Brière ont l’impression de s’enliser les deux pieds dans la tourbe. La vraie vie est ailleurs, ici ils étouffent de vivre comme leurs aïeux. Leur mode de vie leur vaut les quolibets des citadins.
Le confinement n’arrivera que dans cinquante ans. Il est encore trop tôt pour savoir que ce sont eux qui avaient raison et que l’exode rural, dont tout le monde parle, connaîtra sa revanche au siècle suivant.
Or, traditionnellement paysans, agriculteurs, pêcheurs ou éleveurs, les Brièrons se révèlent aussi de fameux ouvriers à l’heure de l’industrialisation galopante. Dans les chantiers voisins de la construction navale, les gens du marais ont bonne réputation. Bosseurs, peu intéressés par tout ce qui n’est pas briéron, ils font de redoutables artisans, concentrés et efficaces. Eux qui venaient en ville pour travailler seulement quelques mois par an, entre les moissons ou la saison de vêlage, se voient proposer des postes à plein temps.
Kerhinet, comme les villages voisins, se vide de ses habitants dès l’entre-deux-guerres. En 1970, nous sommes déjà très loin de la quinzaine de familles qui habitait ici un siècle plus tôt. Un recensement de 1973 fait état de deux habitants à l’année dans le village et note que quatre maisons servent encore parfois de résidences secondaires. Le reste est en ruine, murs éboulés, toits effondrés.
C’est ce grand état de délabrement qui, paradoxalement, sauvera Kerhinet. Épargné par les reconstructions décousues, les aménagements sauvages, les extensions plus ou moins heureuses, le village est un témoin de l’histoire. L’État s’y intéresse de près et décide, le 13 mars 1967, d’inscrire Kerhinet à l’inventaire des sites naturels. Quelques années plus tard, le tout nouveau Parc naturel régional de Brière fait petit à petit l’acquisition des 18 chaumières qui le compose. Il lance un chantier de reconstruction à l’identique, avec des matériaux d’origine et locaux, qui s’étalera sur quinze ans. En 1975, le musée de Kerhinet est inauguré, puis viendront l’auberge en 1978, la maison des artisans l’année suivante et le centre d’éducation à l’environnement en 1987.
Aujourd’hui, Kerhinet compte 18 chaumières, deux fours à pain, un lavoir et un puits. Entièrement piétonnier, le village est une plongée dans l’habitat briéron de la fin du XIXe et du début du XXesiècles. Visité chaque année par 200 000 visiteurs, il propose deux circuits d’interprétation saupoudrés de panneaux dans les ruelles du village et ses alentours, et une poignée de circuits de randonnées dans les marais environnants. Chaque jeudi, un marché renommé du terroir donne une raison supplémentaire de s’y rendre pour découvrir producteurs locaux et artisans.
Maison du Parc : Un bureau d’information touristique prend ses quartiers chaque été dans une chaumière du village. Randonnées, richesses naturelles de la Brière, location de vélo… Ouvert tous les jours de 10 h à 13 h et de 14 h 30 à 18 h 30. Tél. 02 40 24 34 44.