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Les sanatoriums de Bligny en Essone, un village près de Paris

La Société des sanatoriums populaires pour les tuberculeux adultes de Paris, constituée en 1900, se rend propriétaire du domaine de Bligny, un parc de 80 hectares planté de taillis, de futaies et de pins où les malades respireront un air pur. La tuberculose est à cette époque souvent vécue comme une maladie honteuse qu’il faut à tout prix cacher pour préserver l’honneur de la famille.
C’est à Bligny que les professeurs Calmette et Guérin travailleront à la mise au point du B.C.G…
S’attachant les compétences de l’architecte Lucien Magne, la Société fait détruire l’ancien château et engage à Bligny la construction d’un premier sanatorium.
Les travaux du sanatorium de Bligny démarrent en 1901 et plusieurs avancées sont à noter :
  • Les galeries de cure occupent le centre de la construction sur deux étages. Ces galeries de cure sont subdivisées en petites loges séparées par des cloisons vitrées de 7 à 8 chaises longues, 50 sont ainsi comptabilisées par étage pour une exposition plein sud.
  • Les chambres des malades sont regroupées de chaque côté en pavillons latéraux. Une sonnerie électrique présente dans chaque chambre, composée de deux ou trois lits, permet d’alerter les infirmiers en cas de malaise. Les services de bains, douches, infirmerie et notamment les chambres des infirmiers, deux par étage, sont situés au bout de chaque corridor. A l’infirmerie, on trouve des chambres d’isolement pour les malades le plus gravement atteints.
En prolongation du bâtiment central, en forme de T, se greffe le pavillon des cuisines, de la salle à manger, de la salle de réunion, de l’administration et du personnel.
Plus éloignés se situent étables, écuries, réserves, la maison de garde ainsi que l’ensemble des bâtiments annexes. Une usine est chargée de distribuer l’eau, la lumière, la chaleur et notamment un chauffage central à circulation de vapeur ; Elle met également en mouvement les machines nécessaires à la buanderie, à la désinfection ou à l’épuration des eaux.        

Le premier sanatorium de Bligny est baptisé sanatorium Despeaux-Rubod en l’honneur d’un bienfaiteur.  Disposant de 120 lits pour hommes, il ouvre le 8 août 1903 sous la direction médicale de Louis Guinard (1864-1939), ce dernier est entouré de médecins - assistants qui assurent le service médical du sanatorium.

Ce premier pavillon de cure sera suivi d’un second construit entre 1906 et 1909, toujours par Lucien Magne, le sanatorium du Petit-Fontainebeau, réservé aux femmes ; et d’un troisième, le sanatorium de Fontenay, construit de 1911 à 1919 par l’architecte Georges Vaudoyer. Ce dernier sanatorium ne comptait que des chambres individuelles, réparties dans deux ailes parallèles, l’une réservée aux hommes, l’autre aux femmes. Les trois sanatoriums sont séparés et distants les uns des autres de trois cent cinquante à quatre cents mètres.

Les religieuses de Saint-Joseph de Cluny à Bligny (1903-1988)
La congrégation est créée par la sœur Anne-Marie Javouhey en 1812 ; Les religieuses arrivent dès le 3 juillet 1903. D’après la tradition orale, elles sont sollicitées sur les conseils du professeur Albert Calmette de l’Institut Pasteur de Lille ; elles ont la charge des malades alités et des travaux multiples de la tenue de la maison : gestion des dépenses, service de la cuisine et de la table, confection et entretien du linge. Elles sont dans un second temps considérées comme des infirmières.
A l’ouverture du sanatorium, elles sont seize à veiller sur les malades, puis le nombre grandit au fil des années. Certaines sœurs ont passé près de quarante ans à Bligny… elles ont joué un rôle essentiel auprès des tuberculeux à une époque où cette maladie faisait peur, et où les infirmières laïques sont très rares.
Le sanatorium de Bligny bénéficiera pendant plus de 80 ans du concours des religieuses de la congrégation des sœurs de Saint Joseph de Cluny.

Dès la première année, les malades affluent ; Le sanatorium peut en  accueillir jusqu’à 600. La durée du séjour sanatorial à Bligny est en moyenne de huit à neuf mois pour les hommes et de onze à douze mois pour les femmes ce qui ne paraît pas excessif alors que les seuls traitements sont le pneumothorax et la cure hygiénodiététique. Le nombre des décès, dix à douze par an, est peu élevé.

Une journée au sanatorium de Bligny
8 heures : lever.
8h30 à 9h30 : petit déjeuner, toilette, ordre des chambres.
9h30 à 10h30 : promenade.
10h30 à 11h30 : cure d’air et de repos.
11h30 à 12 heures : promenade.
12 heures : repas.
13h à 15h : cure d’air et de repos (silencieuse)
15h à 16h : promenade.
16 heures : goûter.
16h30 à 17h30 : cure d’air et de repos.
17h30 à 18h30 : promenade.
18h30 à 19h : cure d’air et de repos.
19 heures : dîner.
20 heures à 21 heures : cure d’air et de repos (supprimée en hiver).
21 heures : coucher (20h15 en hiver).
21h30 : extinction des lumières (20h35 en hiver).     
          
Afin de distraire les malades, la salle de réunion renferme livres et disques et "jeux tranquilles" comme les cartes, les dominos, les dames, les jeux des familles ; Les malades peuvent s’exercer au croquet, aux jeux de boules ou quilles, aux fléchettes, au tir à la carabine, … ou profiter d’un vaste.
Dès 1906, le cinématographe est introduit à Bligny et permet des séances régulières tous les quinze jours pour les pensionnaires et pour le personnel. Les séances, distinctes pour les hommes et les femmes, ont lieu dans chaque pavillon.
Les visites ont lieu le dimanche et les jours de fête, de dix heures trente à dix-sept heures.
Rarement accordées, les permissions de sortie ne dépassent pas quatre jours consécutifs et, pour ne pas perturber la bonne marche des établissements, elles ne concernent que six malades au maximum par bâtiment.
"Le sanatorium , selon le médecin - directeur Louis Guinard, est une école où les pensionnaires sont mis au courant de toutes les règles de la propreté, des dangers des expectorations, des moyens de prévenir la contagion, etc." Il y organise également des "causeries", un véritable programme pédagogique.
Lorsque leur état le leur permet, les pensionnaires assurent l’entretien de leur propre chambre et le service des repas à la salle à manger. Cependant, les principales activités se concentrent à la ferme, six hectares de jardin potager, de verger et de vastes serres.  Base cour et porcherie offrent de même nombre d’activités.
L’ensemble des salariés vivent sur place, et c’est un village qui se forme au cœur du domaine de Bligny.

Le sanatorium de Bligny dans la tourmente de la Guerre 14-18 - Bligny est alors le premier hôpital sanitaire organisé en vue de recevoir et de soigner les sous-officiers et soldats, blessés ou malades atteints de tuberculose pulmonaire. Entre mars 1915 et décembre 1917, 4.412 soldats et officiers tuberculeux furent soignés à Bligny.

Le 19 septembre 1934 voit l’inauguration du théâtre, judicieusement situé à distance presque égale des trois pavillons et à proximité des services techniques. En dehors des pièces de théâtre, il sert aussi pour les fêtes patronales. Tout savoir sur le théâtre de Bligny

Louis Guinard meurt en 1939 des suites d’une grave maladie à la veille de la seconde Guerre mondiale. Reconnu comme étant le fondateur de Bligny, cet homme de grande valeur a publié études et ouvrages sur la tuberculose, voir sa bibliographie.

L’occupation de Bligny par les Allemands est évitée au regard du danger de contamination et le 18 août, un chef de la Kommandantur fait apposer deux plaques aux entrées de Bligny interdisant aux troupes allemandes d’y pénétrer sans ordre écrit. Les sanatoriums sont épargnés.

Janvier 1950, la prévention par le BCG devient obligatoire… Il aura fallu attendre vingt-six ans, depuis la présentation faite le 24 juin 1924 à l’Académie de Médecine par Calmette et Guérin de leurs premiers essais d’immunisation de jeunes enfants contre le bacille de Koch.

Le 25 avril 1953, est célébré le cinquantenaire de la fondation du premier pavillon sanatorial de Bligny.

Bligny a apporté une contribution précieuse dans la connaissance de la tuberculose et de son traitement. Certaines de ces publications constituent des œuvres princeps, qui ont toujours autorité en la matière et qui sont régulièrement citées en référence.

En janvier 1974, il reste 256 lits de sanatorium, 143 au pavillon Despeaux, 113 au Petit-Fontainebleau.

La tuberculose enfin maitrisée, l’association de 1901, devenue Centre Médico-Chirurgical de Bligny, procède à la transformation de l’établissement admis à participer au service public hospitalier à partir du 1er janvier 1977. En 2003, elle change de nom pour devenir : Centre Médical de Bligny puis en 2012 devient finalement le Centre Hospitalier de Bligny.

Les établissements de Bligny reçurent plusieurs prix internationaux :

  • Un diplôme d’honneur et la médaille d’or à l’exposition internationale d’hygiène d’Ostende en 1901;
  • Un grand prix à l’exposition d’économie et d’hygiène sociale organisé par Le Journal à Paris en 1905 ;
  • Un diplôme d’honneur de l’exposition franco-britannique de Londres en 1908 ;
  • Un diplôme d’honneur de l’exposition d’hygiène de Dresde en 1911 ;
  • Un prix hors concours à l’exposition internationale urbaine de Lyon en 1914 (catégorie Œuvre sociale de bienfaisance) ;
  • Un grand prix à l’exposition international du centenaire de Pasteur à Strasbourg en 1923.

© MLR - Collection particulière - Briis sous Forges (S. et O.) - Une entrée du sanatorium de Bligny

Sources

- Bligny et son histoire - Du sanatorium au centre hospitalier, janvier 2020 (Étude jointe)

- Histoire des sanatoriums en France (1915-1945). Une architecture en quête de rendement thérapeutique, Philippe Grandvoinnet, 2010

- Œuvre des sanatoriums populaires de Paris. Auteur du texte. Sanatoriums de Bligny : rapports, comptes-rendus / Œuvre des sanatoriums populaires de Paris. 1922-05-26

- Le Sanatorium de Bligny,... par le Dr Sersiron,.... 1902.

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